Voyage birman
VOYAGE BIRMANAéroport de Rangoon, devenu Yangon, comme la Birmanie est devenue le Myanmar...
Et nous voilà cueillis par un panneau géant: «WARMLY WELCOME» -chaleureuse bienvenue-, que nous adresse une jolie famille modèle locale. Il jouxte un autre panneau presque aussi grand, sans image, d'avertissement cette fois, en anglais: «Trafic et usage de drogue sont passibles de peine de mort»... Donc, on restera patient...
Quand on pense que le légendaire baron de l'opium Khun Sa -«Prince prospère»-, était gardé par une milice privée de 20.000 hommes quand il tenait la route de l'opium depuis l'Afghanistan, le Triangle d'Or, jusqu'à la rue Parmentier à Paris... Quand on sait que sa tête, mise à prix 2 millions de $ par les américains, est toujours en place sur ses épaules après sa reddition négociée avec la junte militaire et qu'il coule des jours tranquilles à Rangoon, à gérer sa fortune estimée à plusieurs millions de $ en soignant son diabète!...
«La vie est belle et le monde pourri!», comme dit Manu Chao...
Bref, welcome et très warmly!
«Welcome Obama» clament aussi les graffitis sur les murs de la ville. Il vient de passer en trombe, comme en Thaïlande et au Cambodge, pour une visite diplomatique et une rencontre avec Aung San Suu Kyi...
Entre deux prix Nobel de la paix, que sommes-nous en droit d'espérer?
Anyway, ici le frisson est palpable.
Quant au guide Lonely planet, il avertit: «Pas d'impairs! Enlevez vos chaussures en entrant dans les maisons et les temples» (Avec plaisir, encore que j'ai surpris des français s'en plaindre!), et «Ne parlez pas politique avec les habitants»... Fuck off!!
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Pendant ce temps, dans les rues de Rangoon, les fils délicats des cerfs-volants de papier des gamins s'emmêlent aux roues des charrettes à chevaux dont les clochettes peinent à rivaliser avec les klaxons incessants des motos chevauchées par 4 personnes, des tracteurs, pick-up et autres engins innommables...
Volant à droite ET circulation à droite, lubie supersticieuse de je ne sais plus quel haut dignitaire... Les avertisseurs font office de feux rouges, panneaux et autres codes de la route, Be aware...
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«LADIES ARE PROHIBITED» au sein des temples, (autrement et ailleurs appelé le Naos),aux pieds du plus grand Bouddha qui y trône toujours.
Pourtant il semble que rien ne le dise dans les textes sacrés, comme dans le Coran, question d'interprétation... Mais rien n'empêche de le regarder dans les yeux et de lui rendre son divin sourire en coin.
/ Nyaungshwe - Lac Inle
Parmi les stupas en ruines, les plus émouvants, glissent des hordes d'escargots, de ceux, inconnus chez nous, à la coquille en étrange spirale conique. Ceux-là même que nous transportions dans nos caisses à pommes, dans le tentaculaire métro de Séoul, pour notre cirque d'escargots funambules sur tambour, célèbre attraction foraine de la Compagnie 2Rien Merci... Comme ici toute vie a drpoit à la réincarnation, ils me bavent à l'oreille un grand salut fraternel qui vous est dédié, warmly.
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Au Buddha Muséum des petits dessins signalent qu'il est interdit de fumer, de photographier et de cracher. Mais come je suis absolument la seule visiteuse en ce lieu antédiluvien, sans gardien ni lumière, à peine quelques costumes brodés d'or en décomposition et quelques merveilleuses statues de Bouddha qu'il faut aller regarder accroupie, tant les vitrines poussiéreuses sont déglinguées et basses. Mais comme je le sais magnanime et tolérant, je ne résiste pas à voler une image, -voler l'âme?- d'un stupéfiant Bouddha tout de rotin tressé de 3m50 de hauteur, jamais vu jusqu'à présent... Il siège au milieu des bâches en plastique cuites par le temps, reproduisant des photos des sites les plus fameux du pays du sourire.
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Dans les rues sans éclairage autre qu'une pauvre ampoule suspendue de temps à autre, les chiens galeux, en bandes de marlous, sont les rois de la baston de rue, de nuit comme de jour.
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Je m'égare sur un chemin sableux jusqu'aux marécages puis tombe sur une pancarte: «Win Nyunt traditionnal massage burmese family»...
La cour de terre battue, les poules, une vieille Mama, une estrade de bois derrière un pauvre rideau effiloché, une couverture pliée pour matelas, un vieux coussin pour chacun, hommes et femmes côte à côte, 4 places... Si les draps sont douteux, les mains et les pieds du fils de la maison sont sûrs. On entend l'huile rissoler, ça sent le poisson fermenté et l'encens âcre pique les narines... Mais c'est bien le seul moment où se faire marcher dessus s'avère un vrai bien-être!
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Recevez aussi l'éclatant «Mingalaba», bonjour des marins d'eau douce, les Inthas du lac Inle, grand comme une petite mer. Ils rament debout à la fine extrémité de leur frêle embarcation, petit sampan à fond plat très effilé. Agiles, sur une jambe tels des échassiers à chapeau de paille, l'autre jambe pagayant, lovée autour d'une unique rame. Silhouettes noires de ces acrobates de l'eau qui se découpent dans les brumes du petit jour. Le geste est digne d'un ballet de Pina Bausch, à moins que ce ne soit eux qu'ils l'aient inspirée?...
Les mouettes placides et rieuses semblent savoir elles aussi qu'elles se réincarneront dans la crique de Trénaour, au bout de la fin de la terre en Finistère.
Nous nous y retrouverons.
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Quant aux 37 Nats, esprits révérés depuis la nuit des temps qui habitent les cours d'eau, les forêts, les montagnes et les étoiles, honorons-les puisqu'ils nous protègent. Sinon, ils pourraient bien se révéler redoutables! Les Nat-gadaw, littéralement «Fiancés des Esprits», sont des travestis à faire pâlir les plus provocantes des drag queens. Ils ont le pouvoir de dialoguer avec les Esprits. Le Nat-pwe est la cérémonie rituelle destinée à inciter les Nats à les posséder grâce à la danse, la musique et la prise d'alcool...
Buvons un coup, buvons-en deux, à la santé des amoureux...
Et des aimants...
À tout la suite, le fée électricité va couper sa baguette...
Yours,
One love
Zic
Chapitre II / Mandalay / Pyin Oo Lwin (anciennement Maymyo)
A little bit of Mandalay...
Par 37° à l'ombre des palmiers.
Quitté le lac Inle en fanfare; parade Federico Fellini bouddhiste, défilé de chars de donations aux temples. Inventaire à la Prévert: de la serviette à la couverture, de l'éventail au balai à chiottes ou au balai tout court, lessive, thermos, passoires,billets de loterie, nattes, ombrelles et parapluies, lames de rasoir, tongs, boîtes à savon, chips, bonbons et autres gâteries...enrubannés de guirlandes et papiers découpés... Défilé ponctué de chants et de danses jusqu'à la transe...
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Réussi à décoller pour Mandalay, avec en prime, pour 3 changements d'horaire, 1 changement de compagnie et quelques heures de retard, j'ai été gratifiée d'un bonbon au pinapple and milk...
... Mandalay saisit à la gorge; chaleur, puanteur, pollution... Quelque chose de l'Inde. Le délire de la circulation atteint des sommets affolants. Dans des nuages de fumée noire, des camelards branlants déboulent à tombeau ouvert, sans feux, au mieux, parfois,un co-pilote tend une malheureuse pile électrique par la fenêtre! Les rats sont les rois...
... À la «Myanmar Lager Beer Station», la bière fraîche, vendue uniquement en grande bouteille, a vite fait de tourner la tête... On partage Mika?...
... Au «Royal City Hôtel», l'eau froide, quand il y en a, de la douche sur le palier, venue du réservoir sur le toit, n'est jamais vraiment froide.
Heureusement, la terrasse est décorée de guirlandes lumineuses en forme de stalagtites de glace qui rappellent que la fraîcheur existe! L'eau purifiée en bouteille aussi, qui s'appelle «Alpine»... Que béni soit le Dieu ventilateur!...
Combien de fortunes faites en Chine à vendre des milliards de guirlandes clignotantes?
Ici même les palmiers en écopent. Sans parler des Bouddhas ancestraux, qui prennent de l'embonpoint à force d'être recouverts de feuilles d'or, sont coiffés de lumignons multicolores kitchissimes qui fatiguent les yeux et transforment la méditation en fête de Noël chez Tati...
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Les rares temples tout de bois de teck sombre sculpté m'ont ravie bien plus secrètement, splendeurs...
La longue rue de terre battue des sculpteurs sur pierre vrombit des meuleuses, fraiseuses et autres disqueuses. Nuages de poussière blanche, ni masque ni lunettes, va sans dire. Douze heures par jour, savoir-faire répétitif à aligner des Bouddhas jumeaux qui s'ennuient du peu d'imagination qui leur est offerte. Perdu au milieu, un vieux tatoué qui travaille encore le bois à la main, à l'ancienne, assis par terre, sa pièce entre les pieds. Et un jeune qui découpe à la cisaille des dentelles ornementales de fer blanc pour les toitures des temples et les martèle par 3 épaisseurs (une pour toi Laurent, M. Rouille)...
Quant aux fabricants de feuilles d'or, il leur faudra 8 heures passées à frapper leur tas de 800 feuilles afin qu‘elles se transforment en ailes de papillon (une pour toi Pascaloo)...
Si on savait en faire autant avec le silence afin qu'il soit d'or...
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6h du matin, jus de café au parfum de lessive, beurre qui est de la margarine extra longue conservation, même salée elles reste avec son arrière goût de poussière rance et grasse et la jelly de fraise tient du bonbon anglais sinisé...
Mais tout va bien! Juste y repenser lors de nos petits déjeuners chez nous, les jours de blues où l'on oublierait de savourer nos privilèges...
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/ Pyin Oo Lwin, l'ancienne Maymyo
Échappée dans la montagne vers Maymyo, ancienne ville coloniale anglaise... Avec Mohamad, taxi driver muslim (officiellement 6% ici), il était pour moi...
On serre les fesses tant les routes sont dangereuses. Traversée de forêts de teck jusqu'aux jardins d'orchidées aux singes hurleurs. Familles en pique-nique et baignade dans les cascades où flottent les sachets de chips... L'écologie ce sera pour plus tard. Minuscule manège enchanté pas salé. Il tourne entraîné par l'eau qui dévale. Petit toit de taule ondulée branlant, sièges de bois vermoulu, requin et éléphant barbouillés de bleu pâlichon, tout pauvre, tout traviole, si émouvant...
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Marché délirant, au milieu des carrioles peintes, étals de joggings en polaire dernier cri côtoient tripes de volailles dans des bassines plein soleil, immenses brassées de fleurs, poissons la gueule ouverte, pas l'ombre d'un glaçon, condiments inconnus qui macèrent depuis des siècles et brûlent les naseaux, montagnes de tongs plastique, cllines de fruits bigarrés... Et, perchés sur un camion sans âge, un orchestre d'aveugles; guitares et basse électriques, batterie, percus et un chanteur à lunettes noires et belle voix, tels Amadou et Maryam, grosse sono qui crache par des Bouillets à longue queue (photo pour toi Le Jé), formidable Monofocus birman! Mémorable, ho, ho...
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/ Mandalay
Le whisky local s'appelle «Hero», mais je m'en garderais bien, lui préférant le lime juice et le chicken curry birman où pas l'ombre d'une poudre de curry ne semble flotter...
Tun Tun le cyclo-pousse cracheur de bétel rouge sombre vient d'accrocher son microscopique porte-clé clignotant rouge à son guidon près de son chapeau de paille. Lui au moins il a de l'éclairage pour partir dans la nuit qui inlassablement tombe à 18h...
Inch'Allah, nous arriverons au restaurant «A Little Bit Of Mandalay»...
Des guirlandes de bises, One Love, Zic
Chapitre III / Mandalay - Inwa/ Fleuve Irrawady/ Bagan/ Mont Popa/ Pakkoku
/ Mandalay
Jour de pleine lune, donc jour férié...
Traditionnelle bonne occase pour les gamins d'attraper quelques biffetons en barrant la route avec une ficelle. Parfois en costume et masque de papier mâché de singe ou d'éléphant. Ils jouent une dangereuse et sacrée corrida surréaliste. Camion sono et danse d'une troupe de tout jeunes garçons apprentis Nat Gadaw, travestis fiancées des Esprits, maquillés et coiffés de couettes rose fluo...
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/ Inwa
Sur le petit rafiot menant à Inwa, ancienne capitale, une bande d'ados en goguette. Noe Noe veut parler français. J'accepte avec plaisir qu'ils m'embarquent. À trois par bécane, chemins de sable jusqu'à un temple de bois sculpté perdu dans la petite jungle. Un recoin cache une minuscule salle de cla sse où flottent aux courants d'air trois mappemondes défraîchies d'un autre monde toujours possible... Devisements, palabres et pique-nique partagés sur la terrasse de teck centenaire poli, si doux aux pieds nus...
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/ Fleuve Irrawady
Descente en ferry boat sur le capricieux et immense fleuve jaune Irrawady. Ruses d'indien voyageur pour choper un des rares fauteuils de rotin. Pour les retardataires les hommes d'équipage louent des chaises en plastique pour 1$..
Lent panoramique contemplatif. Les brumes, les verts argentés, les lumières ondoyantes, les plumeaux des palmiers, les fleurs de bananier, l'ombre des banians et des acacias géants tutélaires, flamboyants flamboyant de roses tyriens, de mauves suaves, de rouges cadmium incendiaires, de vermillons luminescent, de pourpres inconnus et d'orangés à manger...
On se prend à rêver un Van Gogh birman...
Charrue de bois tirée par deux bœufs à bosse, pêcheurs en suspension et longs trains de billes de teck remorqués par des bateaux fumant et grondant, aussi rouillés que les camions sur les routes... Petite escale pour charger des colis. Des vendeuses de bananes, dans l'eau aux flancs du navire, lancent adroitement leurs régimes par dessus bord jusqu'aux ponts, les billets de 1000 Kyats font de même en retour, qu'elles repêchent à la nage... Dans les dératés et les vrombissements des gros moteurs, je lis l'histoire d'Aung San Suu Kyi, quelle dame! Émotions...
Et, décidément j'aime à regarder le smoines en robe safran et les hommes en jupe, pardon en longyi...
Au loin, balancement des porteurs de palanches en bambou...
Bambou, magique bambou! Qui fait les murs, les bardages des toits, les échafaudages, les échelles, les nattes, les lits, tables et fauteuils, les palissades, mâts et piquets, les paniers, ombrelles, papier, balai, ponts et ustencils de cuisine... Et dont on mange les pousses...
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/ Bagan
Rendue à Bagan, j'ai commencé par me perdre, comme il le faut sans doute. Présomption d'une balade nocturne sur les routes obscures. Je remercie ma lampe de poche...
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Forêt de 4000 temples de brique et de stuc de tous les ocres, cachés, lovés dans la végétation généreuse. Fresque du moyen âge et royaumes des oiseaux qui en sont les vrais habitants. Somptueux...
/ Mont Popa
Échappée vers les montagnes volcaniques, gravi pieds nus les 777 marches grimpant aux sanctuaires du Mont Popa, demeure spirituelle des 37 Nats, Esprits du monde pré- bouddhique, et surtout des bandes de singes batailleurs, baiseurs, joueurs et voleurs qui sont les vrais esprits du lieu. Tout au long des marches, des balayeurs de déjections, négligeant le reste des ordures, réclament «Cleaning donation»...
Les marchands du temple ne vous lâchent gentiment les pieds nus qu'après 3 «No Thanks», comme dans la plupart des temples...
Pas croisé de «yeti», moines ermites qui s'y rendent, ou «Nat ivre», qui passa son existence à organiser des combats de coq et à boire...
Si vous y allez, ne pas porter de rouge ou de noir, ni de viande pour ne pas l'offenser...
Sur la route du retour, goûté le toddy, vin de palme fermenté, pour boire à sa santé et surtout à la vôtre...
/ Pakkoku
Ce jour départ pour Pakkoku, où je dois rejoindre Marik et Clowns Sans Frontières, si tout va comme convenu...
Fortes bises au soleil qui s'en vient sur les éventails des palmiers du voyageur...
One Love
Zic
Novembre - décembre 2012
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