Latman et Llorona
LATMAN ET LLORONALatman ne parle de rien d'autre.
Malgré soi, il secrète le langage impatienté, impensable pour lui de revenir en amère tu me tues.
Il s'adonne aux voyages de l'âme, la mal-dite.
Il désire qu'Elle entre dans son âme, oui, qu'Elle pénètre au fondement, mais les pieds nus.
Il veut croire la Llorona qui lui en donne sa parole bleue.
Il ne sait pas encore l'invoquer.
Il a des jours insoumis, il a des nuits paisibles.
Et de leur suite et de leur fin, l'Idéal se poursuit à grandes embardées.
Il ne sera pas domestiqué.
L'échappé fait la Belle, forcené, force vive.
La vie, d'un savant baiser, Elle veut bien l'Oracle aimant.
Elle lui prête gracieusement ses sensationnelles sources.
Le Feu radieux, le soleil lui-même aveuglé, dévergonde enfin le ciel timide, réveille ses pâleurs.
Le baiser vint à ses lèvres sèches.
Elle lui donna, puis Elle se déroba, repartit nue, qu'Il vienne!
Une détresse le prit par les épaules, enseveli d'un coup sous un jour de neige.
Un jour sourd au royaume des silencieux.
Elle le toucha par sa grâce.
Revenu comme au premier matin, Il crie à l'écœurement:
- "Je ne vais nulle part si je n'y vais pas pour quelqu'un"
Sommeil au cœur lourd, debout le Verbe rêveur.
Va, les chemins des cœurs empruntent les raccourcis qu'ils rencontrent, nécessairement.
Le baiser vint à ses lèvres ouvertes.
Si Latman veille, Il voit des abris. Il se préfigure de bons génies, traits d'esprits.
Il les sculpte, remerciant les arbres. Subjectiles comparses qui touchent la part secret de la langue terrestre.
Latman hume les phrases du vent céleste, par tous les pores de sa peau, essoufflés.
En émoi, il s'expanse, se dissout en milliers de petites morts scintillantes.
Petits mots doux qui s'envolent avec lui, réintégrés plus loin que l'Azur.
- "Tolle, lege"*
Dans les nimbes, les livres couchés, griffés de sable, salés d'embruns, attendent là si fièvre venait à les débusquer, à les lécher.
Ce semble tapis de lumière où reposer bagages sans âge, à bonne destination.
Le baiser vint à ses lèvres humides.
Le chant de la Llorona, ses approchements sacrés, sa chute de reins sidérants emplissent sa poitrine.
Elle n'avait plus où offrir ses bras, goûter l'appétit du Festin Ancien?
Elle veut, elle mise pour voir. Laissée de marbre par le ciel, cela ne lui ressemble guère. Elle cherche surgir aux aguets, rebrousser mémoire.
Humble Étoile du Verger, elle s'illune en son jardin.
Elle puise aux chants vibrants qui nous résonnent, sorornellement, sage femme nourricière.
La lune et tous s'éteindront pour dormir un peu, rêver se réinventer l'Inconnu.
Il s'en vient toujours.Le chant miraculeux de la Llorona insuffle l'Irrévocable pressentiment des ancêtres racines.
Cette sève tournoyante le rend voyant sans horizon.
Analogue à la mer, distrait aux profondeurs des sens, aux Monts élevés.
Enfin troubles, troublé de chair et de sang.
Latman étreint la Llorona.
La Llorona étreint Latman.
Pourfendu, Il accueille l'altération rouge sublime.
Il et Elle acceptent Cela, qui essencie leurs corps parlant, fondus en la chantante Etreinte Philosophale.
(*"Prends, lis")
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