Un monde fait de matins
UN MONDE FAIT DE MATINSL'étincelle, le soulèvement, le relâchement, le frisson, le basculement, l'ivresse, que sais-je!
Le renversement, le tango fatal, la danse du serpent, l'aimant puissant et doux qui conduit la décharge, non, le courant avant la décharge...
Là, l'ordre du physique, qui bascule, parle, désordonne et arrête la pensée, qui désinhibe les gestes, les sucs, les liquides et ouvrent les portes, vagues d'abandon...
Nous voilà, donnons-nous, amène-toi danser dans nos pas, je te suis à toi, nous pas seuls au monde.
C'est nous qui faisons tourner la planète aux mains chaudes...
Un monde d'Intelligences aux vrais Amants de la Nature, revenus d'un rayon, d'une rose de ténèbres.
Le matin nous étreint, épanouis, il étreint l'oiseau bleu, viens dans mes pensées, le glissement vers l'autre, le désert des étoiles.
Comme "Un hibou sérieux jusqu'à l'éternité".*
Le matin qui m'étreint, le premier matin.
Il étreint ses rêves, ses aspects rugueux, les sèves qui suintent sous les entailles des canifs. Les cœurs fléchés qui scarifient l'écorce.
Signes de l'Amour, nous l'annonçons au monde. Nous le publions ad vitam aeternam, au regard de l'Instant, si parfait qu'il faudrait y mourir, y renaître, y sécher les larmes amères. De celles qui nous sont données du dehors de nous-mêmes, qui nous fabriquent des us et coutumes, qui nous imposent leurs lois, nous encerclent, nous obligent.
Dont nous ne voulons plus.
Sommes-nous jamais libres de nos faits et gestes, de nos choix entêtés, nos surdités immatures, nos petites bassesses?
Et l'on se les autoriserait pour donner relief à la lumière?
Où nous mettons-nous vraiment en danger?
Le continent des avances, tes pas qui balancent sans prendre terre, les paroles qui s'envolent et ne savent pas se reposer, où se poser.
Supposées sur mes lèvres surprises. Elles n'attendaient que Cela, patientes les soirs, les nuits, les matins. Elles renoncent et elles espèrent d'un instant, l'autre. Te voir joie intense, te voir douce souffrance. Je te rends grâce de ce que j'y ai puisé et appris.
Tu commences et tu finis toujours par me revenir. Le mystère perdure au fil des saisons des années. Il y a des choses dont on ne peut encore se parler, se toucher, se dévoiler.
Des endroits de nous-mêmes, des lieux de notre rencontre, qui brûlent d'envie aux musiques, aux charmes des dangers. Nous qui n'avons rien trahi, ni personne, ni nous-mêmes.
Tu m'emmènes tracer par des voix détournées, des chants d'amour empruntés, des images entre-posées, à toi offertes.
Parole donnée.
On a le droit, on peut, se dire par les images, par la parole, des choses profondes, drôles, attentives, intimes, apaisantes, vertigineuses, douces, questionneuses, joyeuses, troublantes, tendres, intenses, prévenantes, remuantes, légères...
On peut s'en - jouer avec les mots, pourquoi pas avec les corps?
Corps donné.
Sans se devoir l'exclusivité des territoires; la fidélité va à l'Esprit du Lieu, qui est bien au-delà, lui qui se veut inexploré, nomade, et...
Notre corps, unique demeure, ultime outil.
Nos terres ne sont la propriété de personne sous peine de violences conjuguées, nous nous y invitons, libres voyageurs.
J'aimerais que tu y sois le Bienheureuxvenu, en la confiante maison de chanvre aux vents du sud, en la secrète maison de chair et de souffles.
Parfums subtils telles les énergies inspirées, immanentes, à l'Oeuvre.
M'invites-tu à cette danse derrière le soleil qui se couche? Me l'offriras-tu?
Où est ton désir à toi ?
Il y va de l'Amour.
*Lautréamont
/ 2007
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