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Mam'Carlo


MAM'CARLO

CARAVAN ART

Une caravane revisitée
par Soizic Kaltex
peintre, sculpteure, voyageuse

 

 

"Si l'on mettait les gens
Dans des manèges forains
Ca leur ferait
De quoi aimer"

Léo Ferré

"Il faut être nomade, traverser les idées comme
on traverse les pays et les villes... Il faut coucher
avec les mouettes, danser avec un boa, faire l'amour
avec des héliotropes et se laver les pieds dans le vermillon".

Francis Picabia

Mam'Carlo, une caravane pour filer les routes, à la croisée des chemins de traverse...
Et rejoindre un grand-père gitan montreur de singes,
13 ans dédiés au théâtre, ses cohortes de balladins, de Chaillot aux Amandiers, d'Avignon aux places de villages,
22 ans consacrés à deux enfants de l'amour, à la peinture et la sculpture, à des films et des voyages tendres en compagnie de Willy Kaltex. La Chine, le Vietnam, la Thaïlande, l'Inde, le Maroc, le Mali... Dans la préface du livre "Kaltex en Chine", pour l'exposition éponyme au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, le cinéaste Jean ROUCH, évoque la démarche des Kaltex comme une "nouvelle anthropologie partagée"...

Après des années passées au pays de Paris et de sa banlieue, Soizic Kaltex est aujourd'hui installée en Aveyron, qu'elle a choisi comme port d'attache.
L'ancienne ferme de Cantagrel est devenue un caravansérail, un atelier généreux. Elle y oeuvre et y anime des cours et des stages de sculpture.
En 2009, elle est en résidence dans les écoles des alentours de Rignac pour réaliser avec les enfants un carnet de voyage sous la forme d'un bas-relief sculpté de 7m50.
Elle anime des ateliers de gravure et de sculpture sur bois à l'École d'arts de Phare Ponleu Selpak à Battambang au Cambodge puis reçois la troupe de cirque "Puthou" de cette école, en résidence chez elle.
Solitaire ou en belle compagnie, elle poursuit ainsi la route, les voyages, des créations personnelles ou à plusieurs mains.


En 2006, avec sa fille Alula, elle réalise en Jamaïque chez Chris Blackwell, producteur de Bob Marley, "The Rasta Buddha", une grande sculpture en papier mâché et bois.
En 2007, elle retourne seule au Maroc, peindre dans l'Atlas, sur les traces du peintre Majorelle.
Puis elle séjourne au Burkina Faso, où elle sculpte à 4 mains avec un mécanicien, singulier sculpteur à Ouaga. Un film documentaire intitulé "Tu vois le Jeu?" est en cours de réalisation, autour de cette aventure, par Philippe Roméo de Label Vidéo.
En 2008, elle accueille en résidence le groupe de musiciens nigériens Mamar Kassey, et s'annonce un prochain voyage à Niamey en leur compagnie, afin d'y poser les premières pierres d'un lieu de création et de transmission artistiques.
Lointaine gestation, l'association "Caravan Art/L'Usage du Monde de l'Art et du Voyage" est née, un clin d'oeil à Nicolas Bouvier, pour les toujours nouvelles aventures...
Avec le photographe Tshi, fidèle compagnon depuis 10 ans de fameuses expos nomades au Maroc, elle fréquente Jérôme Bouvet et la compagnie de cirque forain 2RienMerci. À Nyon en Suisse, ils inaugurent labo photo, atelier de gravure et exposition live, au jour le jour, installés dans une yourte-chapiteau et de vieilles caravanes. "Carlos" bourdonnantes de miels bienfaiteurs, au sein de La Ruche dédiée aux arts du cirque et de la rue, au coeur du Paléo Festival.Merveilleux croisements de routes et d'enthousiasmes vibrants... Aventures en cours...

Décidément, comment nous donnons-nous le désir et les moyens de réaliser des choses, que fabriquons- nous de nos vies, de notre art et de nos dix doigts?
Qu'advient-il entre nous, que sortons-nous de l'Athanor, comment transformer du plomb en or ?
Comment transfigurer de vieilles chaînes rouillées et du bois flotté en gri-gri chargés d'émotions, d'espoir, d'amour, de vivant?
Tenter l'aventure en tous cas, s'y excercer, chercher, ad libidum.
Les choses prennent le tour et le sens qu'on leur donne...

Alors, le rêve continue de prendre corps et s'incarne désormais dans une petite caravane roulant joliment ses 20 berges, qui se languissait au village de Lunac.
Décorée, aménagée, à inventer, évolutive, fabriquée, à bricoler, elle est en train de devenir en soi un bel objet poétique et un bel ouvrage esthétique. Petit à petit, pour être une sculpture à géométrie variable et un outil nomade multifonctionnel, libre comme l'air, une apparition-disparition, un souffle forain, un repère shivaesque, à 1000 bras, 1000 usages...
Mam'Carlo, vêtue de rouge profond et d'orange lumineux, parée de vieux bois pâtiné et de sculptures, anarchitecture itinérante aux ailes grandes ouvertes, va se poser en migrateur délicat. Parmi les gens de peu, les riches de tendresse, les frères turbulents et sages, les inconnus magnifiques et curieux, les humbles héros et les clochards célestes, les cultivateurs d'âmes et défricheurs d'Amour.
Temporairement devenir le théâtre de pratiques artistiques éféemères, ou de siestes profondes.
Mât centripète, un arbre tutélaire, un abri léger et bienveillant où actualiser l'imaginaire. Stand de trocs joyeux à dégommer les effigies empêcheuses de tourner en rondes.
Espace totémique pour incarner le projet, dans l'incontrôlable bouillonnement chaotique de la vie, dans l'instantanéité de sa réalisation in situ/vivo.
Prétextes jubilatoires aux affinités fécondes.
Cabane de foire à gais savoirs.
Complicité des forces qui se jouent et se déjouent.
Tergiversations souterraines au grand jour.
Fétiche à la profession de foisonnements ludiques. Cornes d'abondance dyonisiaques.
Palabres caravanesques, cristallisations heureuses et manifestes.
Communautés intentionelles rayonnantes.
Terra Incognita à la conquête de nous autres.
Moments construits, fugitifs, déconstruits.


Farces immanentes, intersubjectivités électives rieuses, forces emmêlantes et rapides.
Hasards objectifs, créateurs de situations fabriquées à dessein. Terreau de fouilles archéoidéologiques lumineuses.
Jardin d'hédonistes pétulant d'énergies où se dépenser sans compter.
Ribambelles d'étonnants viveurs. Circulation d'énergies efficientes. Art martial où inspirer.
Généreuse exubérance pour la germination en pleine terre sans frontières.
Équation à plusieurs inconnues que reste l'aventure humaine et artistique, à "l'âge de faire".
Vivre une épiphanie, expérience forte, pour de vrai, pour du bon.
Une aventure non-ordinaire, parce que simple, rare, précieuse, reproductible, fructueuse, exemplaire, poussièreuse et chaude. Une histoire à plusieurs ensemble, en joyeuse bande, une intensification du quotidien, ou, comme diraient les surréalistes, un pénétration du Merveilleux dans la vie.

"L'histoire" expérimente son existence dans l'immédiat, sans filet. Elle s'écrit, elle est là, auto-explicite. Elle est comprise dans l'action qui se déroule.
Pas de médiation, de commentaire, de sur-nous, la représentation est remplacée par la présence.
Pas de brouillon, d'esquisse, de préambule, de dossier, de dessin préparatoire.
Unité de Temps, unité de Lieu. Trouver la matière et "Action!".
Avec qui résonnent les mots de Pier Paolo Pasolini :
"Au moins si elle est conçue comme poésie, la langue de l'action, de la vie qui se représente est infiniment plus fascinante! C'est elle qui se reconstitue -à peine refermé- à partir d'un livre de poésie: elle est avant et après.
[...] rien ne vaut la vie. C'est pourquoi je ne voudrais que vivre, même en étant poète, parce que la vie s'exprime aussi par elle-même. Je voudrais m'exprimer avec des exemples. Jeter mon corps dans la lutte. Mais si les actions de la vie sont expressives, l'expression, aussi, est action."

Ainsi nous sculptons le bois et nous-mêmes, pour nous sentir vivants, nous toucher et toucher le monde, l'ériger fièrement, chouïa infiniment.
Oeuvre d'art en soi que cet "temps-espace", dégoté de haute lutte, territoire libre où l'art sans musée peut exister, par le pur plaisir créatif. Inspirations positives qui fabriquent l'énergie nécessaire, contribution réelle aux forces qui permettent de s'agréger, de se manifester. Nous nous soulevons pour quelque chose. Nous interrogeons les sables de nos légendes, l'archéologie de nos mythes réciproques et entrecroisés, mis en miroir, en enjeu, compost de nos mémoires assemblées, les écrivant, sans même plus y penser.
L'essence même de l'affaire se passe "face-à-face", "poitrine-contre-poitrine", énoncent les soufis.
Mouvement en spirale sur l'altérité. Figure de l'escargot, maison spiralée sur le dos, ouvertes à tous vents.
L'oeuvre ouverte.
Défi, invitation à la danse, écoute, regard, vigilance, attention, éveil.
Co-habiter la géopoétique, être pérégrin, en co-errance...
En nomades spectacteurs conviés à d'humbles Banquets, oasis temporaires poéthiques, lovés autour de joyeuses communautés intentionnelles...
Des choses changent, se transforment; des mouvements ou des intégrations ont lieu, une différence s'est faite.

Qu'écrivons-nous ainsi de notre Destin, à chaque moment présent?
Si l'action sonne juste, la musique résonne, la preuve est faite, existentielle, et les oreilles sont ravies.
Conte philosophal, dessiné, porté, incarné par l'aventure, le voyage humain entrepris.
Chant utoépique, légendes de la tribu, généalogies des affinités électives, chemins d'embuscades et de débuscades.
Voies discrètes des caravanes de nomades, il contient sans doute certaines des routes à suivre et certains rêves qui seront vécus comme autant de signes et d'augures.Nous n'en tirerons ni morale, ni chute, nous tenterons plutôt éthique et élévation.

...Mam'Carlo, une p'tite caravane interprétée, pour être tour à tour et à la fois...
Un atelier de création et de pratique artistiques/une galerie d'expositions et d'expéditions/un labo photo argentique/un p'tiot théâtre forain pour conteur à barbe/un salon de thé à la menthe poivrée/une fabrique à statues émouvantes/une boite à ressorts tissant jaillissant/un cinéma super 8 pour deux/un écrin à surprises/un chaud caravansérail...
Un simple lieu de vie et de passages pour petites gens, où aimanter rencontres et partages, un creuset qui pourrait bien entendu s'assembler, se joindre à d'autres arpenteurs, en des campements fougueux où, décidément, art et vie ne font qu'un...
"...Promesses de troupes éphémères et d'éternels enthousiasmes qui foudroient les fossoyeurs d'utopie.", comme le clame l'ami Tartar(e) sous l'arbre à palabres...

Au fond, ce qui importe, c'est le chemin parcouru, quand l'horizon du voyageur s'ingénie à reculer, tandis que souffle le sufi: "mon désir est de devenir route"...

Mam Carlo à Calais

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