Ma Masques Africa classe CLÉA au Channel Calais
MA MASQUES AFRICA L'Arbre à Masques et à Palabres
Classe artistique de sculpture
(CLÉA Contrat Local d'Éducation Artistique)Classe de CE1 de Mme Leprince, école Parmentier
Au Channel, Scène Nationale de Calais - mai 2010
NOTE D'INTENTIONS
Thématiques / Objectifs
Je vous propose d'animer une classe artistique, dans un esprit de découverte, d'initiation, de pratique et de création, autour et à travers l'Afrique, abordée par le médium de la sculpture sur bois.
À partir de la thématique du masque et de l'arbre à palabres traditionnels, nous partirons à l'aventure, à la rencontre d'une culture ancestrale foisonnante de richesses et d'inspiratons.
Dans la sculpture "primitive" et les masques d'Afrique, il y a une forme du sentiment, une architecture de la pensée et une expression subtile des forces les plus profondes de la vie qui ont inspiré l'art moderne depuis les années 20. Si c'est toujours dans le passé qu'on trouve les idées nouvelles; l'inspiration des anciens, source de vitalité, a passé chez nous, peuples étrangers...
L'artiste, tel un "généalogiste" ou un archéologue, cherche les profondeurs pour mettre à jour les "arrières mondes". Il révèle sous l'apparence superficielle ces côtés obscurs et fous qu'on pourrait appeler "dionysiaques". Ce qui nous entoure est un tissu de représentations et d'interprétations dont le sens est un sens relatif, une perspective. La création permet de s'échapper du réel pour le recomposer avec un regard neuf. C'est une forme de résistance que de garder le désir de découvrir, de toucher, de connaître. Il est toujours temps d'enchanter le monde en l'éprouvant comme une suite de commencements, avec le sentiment de l'inépuisable.
Nous ne croyons qu'au devenir étant de part en part historiens et passeurs. "Il ne suffit plus, comme il suffisait, il y a un demi-siècle, de découvrir et d'admirer l'art nègre ou océanien. Il faut redécouvrir en nous-mêmes les forces spirituelles de ces arts", a écrit Mircea Eliade. Jacques Kerchache, qui s'est battu pour que les chef-d'œuvres du monde entier naissent libres et égaux et entrent au Musée (le débat reste ouvert...), tel celui des Arts Premiers du Quai Branly, nous suggère quant à lui: "La modernité n'est pas une question de date ou de temps. Elle existe à la préhistoire." ...
Quand tout a été fait et que tout reste à faire...
"Le véritable aventurier est toujours au commencement", a dit Jankélévitch. Souvenons-nous du futur...
Communiquer demeure d'actualité et traditionnellement la sculpture sacralise le discours, ce qui va être dit autour de l'objet fétiche. Ainsi, autour de notre projet d'Arbre à Masques et à Palabres, nous proposons un voyage initiatique et créatif, depuis les sources des "arts premiers" jusqu'aux arts modernes, à faire naître en chœur. L'arbre avec ses racines et ses fruits, symbolise la vitalité, car c'est la vie qui est toujours en jeu. Masques et figures dans la coutume des tribus, avant tout appel purement esthétique, ont toujours un usage et un sens "religieux" liés à l'animisme, au culte des ancêtres et de la fécondité. Arbres et forêts, lieux d'initiation ou de sépulture, sont vénérés car les esprits des anciens sont censés y résider. Il n'y a qu'un pas à faire pour mettre en rapport ces conceptions et l'origine forestière des hommes masqués et de leurs emblèmes les poteaux des esprits, ces "arbres munis d'épouvantails" qui protègent. Statues ou masques sont convertis en idoles ou fétiches magiques par des rites spéciaux après quoi ils sont supposés devenir la demeure temporaire de quelque âme ou animal sacré. Ils personnifient et symbolisent ainsi des êtres surhumains ou des animaux, rappelant les attributs des êtres vivants. Les hommes masqués sortent de la forêt pour assister aux fêtes avec leurs pouvoirs de "suggestion". Sont-ils des esprits, des personnes possédés par des esprits ou les acteurs d'une mascarade, d'un jeu ? Acceptons que tout ne soit pas intelligible. Peur et joie sont mêlées et ces sentiments donnent vie aussi bien aux coutumes "sérieuses" qu'aux spectacles enchanteurs. En effet, les cérémonies sont parfois vécues comme une catharsis et une transgression où se rejoignent rituels et théâtre. Le porteur de masques devient quelque chose de mystérieux et de surnaturellement puissant. La croyance fervente en leur efficacité appelle l'effort créateur au moment où ils sont façonnés. Les artistes utilisent la distorsion et la transformation comme une recréation de l'imagination. Mais la sculpture n'est jamais abstraite, elle reste partiellement (jamais littéralement) représentative. L'abstraction complète entraînerait sans doute une perte du puissant intérêt émotif et intellectuel qui s'attache aux objets et au corps humain. Ainsi la cosmogonie est signifiée par les masques, ils se superposent au discours mythique, se substituent à la parole, se transforment en outils de connaissance polysémique. Sur ces figures allégoriques jamais ne s'affrontent vieillesse et jeunesse, laideur et beauté. Ils marquent le passage d'une génération à une autre. Ils racontent les hommes et leurs métamorphoses. Ils demeurent les multiples visages de l'intemporel. Brassant les identités, ils ont des faces, on dirait des interfaces. Ils semblent des lieux d'échanges entre des forces invisibles et les regards humains.
Préparation en amont
Une attachée aux relations avec le public du Channel fera le lien entre le projet artistique, sa préparation dès en amont, l'artiste, l'enseignante responsable, la Médiathèque et Le Channel. La qualité de relation des différents intervenants enrichira la motivation, le sens, l'enthousiasme, la curiosité.Entre septembre 2009 et mai 2010, l'enseignante explorera avec ses élèves, en collaboration avec la Médiathèque de Calais, l'Afrique sous toutes ses "coutures" et boubous bariolés: livres d'art reproduisant des oeuvres, lectures de contes, de bandes dessinées, de poésies, écoutes musicales, documentation via internet, créations d'un abécédaire, visionnage de films, proposés pour une part par l'artiste**, pour rencontrer, imaginer, ressentir l'Afrique...
Ce temps fort permettra donc aux élèves de se familiariser avec différents supports, différentes façons de parler, voir, sentir, écouter l'Afrique, s'en inspirer, découvrir, entre autre, l'influence de la statuaire africaine dans l'histoire de l'art (art brut, cubisme...), utiliser les informations glanées avec l'équipe de la médiathèque, acquérir des connaissances et pouvoir les questionner, les sublimer et s'y aventurer.Plusieurs sorties extérieures seront organisées pour sensibiliser les élèves; ils partiront à la découverte des masques et des totems lors d'une visite du MUSÉE DES ARTS PREMIERS Quai Branly à Paris et de la Fondation DAPPER, formidable lieu d'une importante collection privée de masques Africains. Ils se rendront également à l'annexe de la médiathèque pour visionner des films .Dés le mois de mars, Soizic Kaltex rencontrera les élèves de Madame Leprince pour leur parler du projet. Ils se retrouveront pour découvrir son univers avec Mam'Carlo*, sa caravane-atelier, invitée au voyage que sera la manifestation "Libertés de séjour", emmenée cette saison par la compagnie de cirque forain 2 Rien Merci, sous la baguette magique de Jérôme Bouvet. Ils assisteront à un spectacle.N.B. Il sera demandé à chaque élève de préparer deux sacs de la taille d'un gros oreiller ou coussin (on peut utiliser deux vieux oreillers, plutôt en toile solide), remplis de sable, (attention ça devient lourd, des adultes devront les apporter sur le lieu de l'atelier). ils serviront à chacun "d'étau nomade", pour caller la pièce à sculpter, comme je l'ai appris en Afrique.
Mises en oeuvres / Actions en atelier
Installés sur nos plans de travail autour de ma caravane-atelier Mam'Carlo, plantée au coeur battant du Channel, nous voyagerons ainsi ensemble, en véritable immersion dans la création. Une vraie ruche joyeuse.Nous sculpterons de concert le bois de tilleul ou de noyer, avec de véritables outils; gouges, ciseaux à bois, maillets et rifloirs (râpes). Nous nous entr'aiderons, chacun allant de son pas, dans une même direction. J'accompagne les enfants, avec mon assistant Vincent Chelighem, dans le travail de sculpture en oeuvrant avec eux, tels les compagnons bâtisseurs. Ils partagent ainsi l'univers sensible d'un artiste en compagnonnage, reçoivent et échangent un savoir faire, expérimentent le plaisir de la création en commun, la joie de s'exprimer, de formuler des sensations, des idées et des émotions ainsi "mises en oeuvres"...
J'envisage que chaque enfant sculpte un masque personnel sur un morceau de bois d'une trentaine de centimètres, au cours des 5 jours d'atelier proprement dit. Chacun crée donc son masque et cette part de travail individuel s'inscrit dans un projet d'ensemble.
"L'Arbre à Masques et à Palabres" / Restitution publique/Histoires à suivre...
Au moment de la restitution publique, les 25 masques, quelque soit leur aboutissement, (c'est le chemin qui compte), seront "offerts" à un arbre.Mis en place dans ses branches, ils vont donner corps à l'oeuvre collective ainsi créée, habitée et signée par le groupe. Grâce à tous elle devient le "Grand Oeuvre" choral. Ce pourra être un arbre vivant ou un lieu choisi transfiguré en arbre symbolique, dans l'enceinte du Channel, ou un arbre sec, coupé, installé sur un support à roues permettant d'en faire un arbre nomade. Il pourrait alors voyager du Channel à la médiathèque, de l'école à la rue, de ... Porteur et transporteur du moment vécu et partagé, de l'histoire ainsi gravée dans les mémoires et le bois, symbole de trouvailles et de retrouvailles, il deviendra en quelque sorte sacré au moment de l'offrande des masques à sa ramure. Nous pouvons inventer une sorte de petite fête, rituel inaugural sous les bons hospices d'un conteur, de musiciens et danseurs africains, (tenter de solliciter des artistes de la région afin de tisser les rencontres locales). Ce cérémonial de baptême est essentiel dans la tradition, pour sceller la communauté et en le nommant, mettre au monde, au regard des Autres, "L'Arbre à Masques et à Palabres"...
Le voici devenu sculpture totémique, arbre magique et voyageur, arbre généalogique des identités variées, géant indicateur de chemins, génie protecteur métisse, esprit signalant la présence de la vie et de l'imaginaire inépuisables, gri-gri chargé d'énergies, de rêves, de mythes, de philosophies d'ailleurs et d'ici, d'hier et de maintenant... En Afrique on plante des arbres sacrés en hommage aux ancêtres, forme de respect des filiations et des cultures ou lors de la fondation d'une localité nouvelle; se couvrent-ils de verdure et de bourgeons, alors le village va vers un avenir heureux!Arbre à offrandes de tous et arbre à vœux de chacun, "L'Arbre à Masques et à Palabres" deviendra ainsi un "sitio", un lieu de rendez-vous, de regroupements électifs, un sanctuaire d'écoute et d'échanges, pour recevoir le monde, accueillir le moment, collecter les paroles, relier les sens, goûter le silence et continuer à jardiner les sentiments, pour inventer les émotions, habiter le bois et le feu, sculpter le moi, fredonner le nous, convoquer les trésors minuscules et les trocs gracieux, remercier les autres, un hâvre hospitalier prêt à abriter rencontres et palabres...
Et continuer à guetter l'horizon qui ne cesse de reculer à l'avancée de l'apprenti artiste-voyageur, curieux petit d'homme en devenir...
Soizic Kaltex - Juin 2009
Ma Masque Africa Calais/2010
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